trans-bercés d’amour

Mon jardin secret abrite un rêve extraordinaire : Je me prends à rêver que j’arrête de travailler pour ne faire que voyager et écrire, ou plutôt écrire pour voyager…

Mes plus beaux et plus lointains périples au Maroc, au Sri Lanka, au Mexique m’ont laissé des souvenirs intacts, empreints d’émotions liées à de belles rencontres, ou à de magnifiques paysages. Mais est-il plus beau voyage que celui que l’on fait au pays de son cœur, au fil des pages que l’on noircit, guidée par celui qu’on aime ? Ce voyage là est un voyage intérieur.

Pour le nourrir, il lui faut une traversée pleine d’amour. La nôtre commençait ainsi. Jeunes mariés, nous venions d’apprendre une très grande nouvelle : nous allions devenir parents et doublement parents ! Pour beaucoup d’autres à notre place, cette annonce aurait pris le visage d’une déconvenue mais nous étions confiants et courageux ; alors OUI nous étions heureux d’attendre des jumeaux. On nous répétait à l’envie que ce serait beaucoup de travail, une organisation qui ne souffrirait aucune négligence…Ils finissaient par nous agacer avec leurs leçons pré-natales tous ces donneurs de conseils ! Tout le monde ajoutait son grain de sel : la famille, les amis, même les voisins s’y mettaient !

Elles sont arrivées dans notre cocon toutes deux bien différentes et en bonne santé, c’était le principal. Nous avons été happés par un tourbillon de vie que ces deux petits bouts ! Il ne nous a pas fallu longtemps pour comprendre à quoi allait désormais ressembler notre quotidien, sans arrêt sur image ni retour en arrière ! 16 biberons en 24h, 2 heures de sommeil par nuit, des repas que nous prenions hagards, à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, déconnectés de l’espace temps. Lorsqu’il a fallu retrouver les collègues, ce fut un déchirement et en même temps, un besoin vital d’être autre chose qu’une « machine » à nourrir, changer, baigner. Tous deux à temps plein, ces 3 ans de vie ont pris l’allure d’un sacerdoce : nous avons résisté pourtant épuisés de fatigue, nous avons soigné les petits bobos et bravé nos coups de déprime pour continuer à sortir, à recevoir, à mener une vie sociale, à leur consacrer tout notre temps libre. Une vie à cent à l’heure presque en zig-zag qui finit sa course en dérapage et dont la signature fut la maladie. Celle qui s’installe, pernicieuse sans faire de bruit et qui vous terrasse un beau matin. Aujourd’hui, près de 18 ans plus tard, lorsque je me retourne sur ce que nous avons vécu, je veux nous rendre hommage : sans une sacrée dose d’amour, de confiance en l’autre, de patience et d’admiration, je sais dans mon fort intérieur que nos chemins auraient pu se séparer, que nous aurions pu facilement craquer, sombrer et qu’il fallait être complètement timbrés pour vivre ce rythme d’enfer. Nul besoin de nous « ambiancer », chez nous il y avait du tohu-bohu tous les jours. Je sais aussi que toute cette énergie déployée pour essayer d’être à la hauteur, de maintenir le cap, était mue par l’amour que nous leur portions, et à travers lui, l’amour que nous avions l’un pour l’autre.

L’amour a aussi permis de vaincre cette saleté de maladie, grâce au dévouement de nos proches. Notre amour a pris un nouveau visage et de nouvelles couleurs, renforcé par cette épreuve. Nous en sommes sortis grandis. Aujourd’hui, grâce à l’écriture, je peux parfois voyager assez loin et exhumer telles des pépites, les trésors insondables de mon être. Ces mêmes ressources qu’il nous a fallu puiser tous les deux pour faire grandir et rayonner notre amour en un épanouissement individuel mais partagé.

Au commencement il est un voyage, en amour comme dans l’écriture, qui exige de se donner, de se mettre à nu, de se retrouver face à soi-même. Vient ensuite le temps de l’apaisement, de la sérénité, puis celui du plaisir, et de la complicité. Le véritable bonheur que m’offre l’écriture, c’est celui de la liberté, de l’évasion, de la spiritualité, autant d’ingrédients qui composent mon voyage à travers les mots, pour continuer à me faire grandir, et je l’espère, pour accompagner agréablement mes lecteurs.

Laisser un commentaire